Instagram

L’irrésistible envie de prouver qu’on y était…

En matière de tourisme, Instagram n’a pas bonne presse. On l’accuse d’avoir ruiné les meilleures destinations en popularisant des endroits jusque-là secrets. Pourtant, une part importante des sites saturés n’ont pas attendu l’invention de la perche à selfie pour connaître les dégâts du surtourisme.

Difficile d’attribuer au seul réseau social l’encombrement de la tour de Pise, de la grande muraille de Chine ou du Machu Picchu (tous trois figurent pourtant dans une liste des destinations de vacances « ruinées par Instagram », selon The Independant).

« Ce que révèlent ces articles, c’est l’angoisse du voyageur cultivé devant l’appropriation des lieux », analyse l’anthropologue Saskia Cousin. On n’aime pas que d’autres arrivent dans un endroit censé être préservé, et ce n’est pas nouveau. Au XIXe siècle fleurit un tourisme distingué, mais quand le commun des mortels débarque, les aristocrates changent de lieux de vacances. Dès les années 1930 – avec l’avènement des congés payés – on déplore l’invasion des plages.

Jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas la répétition et la diffusion d’une image qui pose problème, c’est l’absence de régulation des flux touristiques et la mauvaise répartition des revenus qu’ils induisent.

Quant au comportement si décrié des instagrammeurs, il mélange souvent des réalités très différentes. Selfies de mauvais goût à Auschwitz ou Tchernobyl, prise de risque pour prendre une photo sur une falaise, manque de respect envers les cultures locales.

Les instagrammeurs agacent ? Reste à chacun la possibilité de vivre une expérience plus riche que celle de poster la photo qui sera la plus “likée”. Ceux qui veulent échapper à ce schéma peuvent viser des sites dont aucune image n’est disponible. Qui cherche, trouve.

(Source : Le Monde,  Damien Lelou et Morgane Tual)