Maroc, Fès

Au Maroc, Ethami baigne dans un bain d’acide et d’ammoniaque

Au Maroc, à Fès, je repère l’un des lieux les plus saisissants de la ville impériale par l’odeur pestilentielle qu’il dégage loin à la ronde. Me voici chez les tanneurs, corporation installée depuis des siècles dans le souk du quartier Blida. On me tend quelques branches de menthe fraîche censées masquer les relents de fiente, encore amplifiés par les 40 °C ambiants.
« Qu’est-ce que vous venez chercher ici ? », s’étonne Ethami, un solide gaillard qui patauge du matin au soir dans les foulons. « On me livre les peaux à écharner : chèvres, chameaux, moutons. Mon boulot, c’est de les débarrasser de leurs poils, de les tremper dans des récipients remplis d’excréments de pigeons, puis dans de la chaux. Ensuite, il faudra les laver, jusqu’à ce qu’elles deviennent bonnes pour la teinture. On les sèche sur les terrasses de la médina, les collines voisines ou au cimetière. »
Alors que certains de ses compagnons portent gants et bottes, je m’étonne de surprendre Ethami sans protection^contre ce milieu cruellement agressif, mélange d’acide, d’ammoniaque et de chaux vive… « Vous savez, rien n’a changé ici depuis le Moyen Âge. On ne devient ni vieux ni riche dans le métier. »
À quelques pas de là, se marchandent fébrilement babouches, blousons et portefeuilles de cuir.

(Extrait du livre « Blog-Trotteur » (180°Editions) à commander ici.