La pandémie a vidé l’ancien royaume de Siam de ses visiteurs. Le secteur touristique ne sait pas encore s’il se relèvera de cette crise.

« Le tourisme est la réalisation achevée d’un univers de la désespérance. Cet enfer bien tempéré englobe dans sa mise en spectacle, ou dans sa machine à produire de l’authentique, n’importe quelle partie du monde, n’importe quelle activité, n’importe quel geste ».
Chantal Thomas / Comment supporter sa liberté

Des hôtels désespérément vides

Pendant 7 mois, la Thaïlande a fermé ses frontières aux touristes. Elle vient de les rouvrir, mais avec des conditions très contraignantes, parmi lesquelles l’obligation d’une quatorzaine très coûteuse dans un hôtel avant de pouvoir se déplacer sous contrôle. Et pour l’instant, seuls quelques ressortissants chinois semblent répondre à l’appel. La plupart des employés des hôtels sont rentrés chez eux, dans leurs villages du Nord ou en Birmanie. Dans les zones essentiellement touristiques, les rues sont vides et les magasins fermés. A Phuket, beaucoup de commerçants qui vivaient exclusivement du tourisme craignent que leur île ne se remette jamais de cette crise, tandis que de plus en plus de voix appellent le pays à profiter de cette période pour repenser son modèle touristique. Le gouvernement a mis en place des campagnes promotionnelles pour encourager la clientèle domestique. Et dans certaines villes, ça marche ! Même à Bangkok, certains quartiers renaissent grâce à la venue de nouveaux visiteurs thaïlandais. Près de la rivière, l’ancien quartier des ferrailleurs – avec ses maisons sur pilotis et ses carcasses de voitures – fait désormais fureur auprès de la jeunesse.

Des images qui en disent long…

Dans d’autres quartiers de Bangkok, certains temples auparavant très visités retrouvent leur aura sacrée, les fidèles revenant y prier et y méditer en paix. Les Thaïlandais se réapproprient les lieux qui leur avaient été confisqués par le tourisme de masse.

Libérée, la nature respire et les poissons s’approchent du rivage. Aujourd’hui – notamment du côté des associations écologistes ou des groupes de pêcheurs, mais aussi chez de simples citoyens – des voix appellent à réfléchir à un nouveau paradigme moins dépendant de l’étranger et plus respectueux de l’environnement. Mais ces voix restent minoritaires ; chez les professionnels de l’hôtellerie, de la restauration (mais aussi les commerçants), on refuse bien sûr d’en entendre parler. Beaucoup d’opérateurs ne vont pas survivre à la crise. On pourrait ainsi assister à une concentration du secteur entre quelques mains, ainsi qu’à une évolution des types de voyages les plus demandés. Selon certains voyagistes, les deux segments qui vont reprendre sont le voyage de luxe et le secteur aventure, qui, en général, attire des gens plus jeunes, plus audacieux, plus enclins à prendre des risques.
Si ces tendances se confirmaient, ce serait là encore un casse-tête pour l’Asie du Sud Est en général, qui a beaucoup misé sur les voyageurs à budget modéré. Changer de cible va nécessiter des investissements très importants.

Des employés d’hôtels qui se convertissent au jardinage

(Source : Carol Isoux, Antoine Terrel / Europe1)