La Covid-19 a (re)mis en lumière des sites naturels et des villes dont bon nombre de Suisses – et d’étrangers – ignoraient l’intérêt.

« Tout sur terre est baroque. Le bateau n’est pas plus fait pour la mer que pour le ciel ».
Robert Desnos / Nouvelles-Hébrides et autres textes

La gare se situe dans la ville basse, où l’on reléguait autrefois indigents et malades (dans le 1er hôpital de Suisse). Pour gagner la ville haute à pied, il suffit de traverser l’Aar en imaginant les convoyeurs ivres sur cette rivière où l’eau virait au rouge quand on égorgeait le bétail à l’abattoir, aujourd’hui café branché.

Succès oblige, la ville des rencontres littéraires et cinématographiques élargit ses offres en introduisant des visites guidées en français durant la belle saison (dès le mois de mai). Verena fait partie de ces cicérones qui accompagnent les visiteurs le samedi après-midi pour une balade de 90 minutes, riche en découvertes : « Retenez bien notre chiffre magique : onze. Notre ville compte 11 musées, 11 églises, 11 chapelles, 11 tours, 11 fontaines, et une bière locale appelée Öufi, (ou 11). Même le canton de Soleure – par un curieux hasard – fut le 11ème à rejoindre la Confédération (1481) « .

La cathédrale St Ours et, à droite, l’Hôtel de la Couronne, que Napoléon snoba

La cathédrale Saint-Ours se réfère aussi au chiffre onze.
Sa reconstruction, au XVIIIe siècle, a duré 11 ans. L’escalier qui mène au parvis est composé de trois fois 11 marches, le clocher à bulbe cuivré a une hauteur de six fois 11 mètres et abrite 11 cloches, et on y retrouve 11 autels. On ne sait pas si les Soleurois jouent systématiquement le 11 à la loterie…
De l’extérieur, le sanctuaire est déjà imposant, mais il faut y entrer pour s’étonner du colossal maître-autel que Judith Albert et les ateliers des « Studi d’Arte Michelangelo » ont taillé dans le marbre de Carrare, avec une incroyable précision. On admire le rendu d’une nappe, de sa fine texture et de ses plis.

Soleure fut jadis l’établissement des légats français (1530-1792). Napoléon lui-même y passa en trombe, sans même pénétrer dans l’Hôtel de la Couronne, pourtant ripoliné en son honneur.
Aujourd’hui piétonniers – autrefois insalubres -, les vieux quartiers regorgent de bâtiments fortifiés, d’hôtels particuliers, de boutiques, d’épiceries fines et de fontaines.


De rutilantes fontaines

On arpente les ruelles soleuroises le nez en l’air pour ne manquer aucune enseigne, aucun oriel de ces bâtisses si bien restaurées qu’on dirait un décor pour le voisin théâtre, autre fierté locale.

Zunffthaus zu Wirten est une ancienne maison de corporation. Elle offre un décorum tout en boiseries patinées et fenêtres à vitraux. On y vient pour sa tarte flambée et ses vermicelles de marrons…

On demande à Verena d’évoquer cette époque glorieuse qui a valu à Soleure son titre de « Ville des ambassadeurs », François 1er l’ayant choisie pour y envoyer ses représentants à l’époque où la Réforme imposait d’éviter les fiefs protestants. Les Français en firent aussi un réservoir à mercenaires, recrutant parmi les pauvres paysans de la chair à canon.