En Thaïlande, il y a les femmes, les hommes …et les katoeys, transsexuels apparemment intégrés, mais qui demeurent objets d’attractions touristiques et de rejet traditionaliste.

NOTE : transgenre ou transexuel ? Ces deux termes sont synonymes. Ils sont simplement choisis par des personnes différentes. On voit beaucoup d’aînés utiliser transexuel, alors que transgenre est devenu à la mode pour des raisons variées (rejet partiel du lexique médical et psychiatrisant et appropriation du mot « genre ») et c’est celui qui est le plus commun désormais.

« – Je ne mène pas là Votre Seignererie, dit-il, car c’est le quartier des tantes…
– Hao ! fit lord Durham, et qu’est-ce ?
– C’est le troisième sexe, milord ».

Honoré de Balzac / Splendeurs et Misères des courtisanes


Dans l’un des pays au monde où la transsexualité est la plus visible et consentie par la société, il semble pourtant que les katoeys souffrent d’une sorte d’isolement dû à leur choix, ou plutôt à leur évidence. Alors que, dans la tradition thaïlandaise, les relations sexuelles prémaritales sont mal perçues, la socialisation se faisait naturellement avec des individus du même sexe. Dans les milieux ruraux, où il était impossible de trouver une prostituée, il était alors préférable de fréquenter une katoey plutôt qu’une jeune femme, dont la réputation aurait été perdue si la liaison avait été découverte. Qu’un célibataire côtoie une katoey était toléré dès lors qu’il abandonnait ces pratiques après le mariage. Certains usages thaïlandais voulaient même qu’un jeune homme puisse fréquenter le “troisième sexe” avant, évidemment, qu’il ne revienne dans “le droit chemin” et se marie.

Et qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ? Rien ou presque. Se faire une place au soleil lorsqu’on est une katoey n’est pas chose facile mais certaines, comme l’actrice Som-O, le mannequin Khun Mah ou encore Parinya Kiatbusaba, y sont parvenues. Cette dernière, ancienne boxeuse célèbre pour s’exhiber en soutien-gorge sur le ring, s’impose informellement comme le porte-drapeau de ces “femmes du second type”.
Deux heures et demi et 3’000 CHF plus tard, un homme peut physiquement être transformé en femme dans une clinique publique, et pour 1’500 CHF dans un hôpital de Bangkok. Avec les hormones en vente libre sur les marchés, le changement de sexe semble bien simple.

S’il ne faut pas faire d’un cas une généralité, force est de constater que les katoeys sont partout. Reconnaissables ou non, elles battent le pavé de toutes les villes thaïlandaises dans la plus grande indifférence générale et bien qu’elles soient surtout présentes dans les métiers artistiques – danse, chant, maquillage, couture -, elles courent aussi les couloirs des firmes internationales en tailleurs, opèrent les malades ou encore sont derrière un microscope à rechercher une solution pour demain pouvoir guérir du sida. Dans le fourmillement de la ville, pas de distinction entre femme, homme et katoey mais dans le cheminement de l’esprit qu’en est-il ?
Dans une société qui se targue de ne faire aucune différence entre les trois sexes et s’enorgueillit ouvertement d’une renommée internationale en ce qui concerne la chirurgie plastique, la surface s’égratigne et laisse apparaître une réalité où les katoeys ne sont pas prises au sérieux et sont même ignorées par peur.
L’opinion générale reste tout de même que les katoeys se sont incorporées dans la société thaïlandaise, et pour un touriste de passage, les voir marcher dans la rue, prendre le métro, faire leurs courses le plus normalement du monde est sans doute surprenant.


Le troisième sexe aurait-il gagné le droit à l’intégration, mais marginale seulement ? Être assimilé à une société tout en échappant à son fonctionnement ? En 2007, le gouvernement annonçait qu’il serait désormais possible pour les katoeys de voir le gendre “Mademoiselle” affiché sur leur carte d’identité. Ce grand pas vers la reconnaissance sociétale refusé durant des années, montre bien le nouvel effort du pays pour une intégration commune.

(Source : Gavroche / Marie Labat)