Une patte en l’air, le pinceau dans la trompe, Suda enchaîne cinq peintures sous les encouragements des visiteurs qui ont acquitté un ticket d’entrée. Ses toiles, aux allures d’estampes japonaises, sont vendues jusqu’à 150 dollars.  Evidemment, l’éléphant n’est pas un artiste. Les mouvements de sa trompe sont orchestrés par des « impulsions » données par le cornac.

Les camps pour éléphants thaïlandais se métamorphosent par dizaines en «sanctuaires» ou «refuges». Cette évolution met-elle fin au dressage brutal  encore dénoncé – il n’y a pas si longtemps pour soumettre l’animal au mahout (dompteur), et le forcer à interagir avec les visiteurs ?

La méthode : dès l’âge de deux ans, l’éléphanteau, encore dépendant de sa mère, est séparé d’elle. Attaché, parfois privé de nourriture, il est souvent frappé à l’aide de bâtons ou d’un crochet en métal jusqu’à ce qu’il obéisse aux ordres. «Nous ne les élevons pas pour les blesser (…) S’ils ne sont pas têtus, nous ne leur faisons rien», assure un mahout, demandant à une jeune éléphante de se dresser sur ses pattes arrière, un ballon dans la trompe. Pour 350 dollars par mois, il entraîne les pachydermes, selon les desiderata de leurs propriétaires, à peindre, faire du foot ou de la musique.

Une fois dressés, les animaux sont vendus entre 50.000 et 80.000 dollars, un investissement colossal à rentabiliser dans les parcs d’attractions, heureusement en voie de régression, semble-t-il. La pandémie n’y est pas pour rien, même si – par ailleurs – elle prive les propriétaires d’une manne touristique indispensable à l’entretien et à la survie de leur animaux.

Sur les quelque 220 parcs à éléphants recensés dans le pays, même si beaucoup promettent un tourisme plus éthique, «seuls une dizaine assurent des conditions de vie véritablement satisfaisantes», d’après la World Animal Protection.

Réintroduire les éléphants dans leur habitat naturel n’est pas possible, par manque de place, et pourrait déclencher des conflits avec l’homme, relève l’autorité thaïlandaise du tourisme. Aux yeux des experts, il faut donc organiser le secteur qui manque encore de régulation et fournir aux voyagistes une liste des sites/parcs respectueux d’une certaine étique, les autres devant être boycottés.

(Source : Figaro / Culture)